BTP Côte d’Ivoire: Protégeons le parc national du Banco, le poumon d’oxygène d’Abidjan est a protéger
BATIRICI | Le 360M | 23.01.2021
Etendue sur 3.474 ha, la forêt du Banco, coincée entre quatre communes (Yopougon, Attécoubé, Abobo, Adjamé) de la ville d’Abidjan, présente l’image impressionnante d’une muraille verte, une forteresse inaccessible.
Naguère réputée repère des bandits, l’aire qui a rebuté pendant longtemps les Ivoiriens et abandonné aux touristes, retrouve la cote. Samedi dernier, une cohorte de 250 personnes a entamé une marché pédestre à l’intérieur du parc, nous informe l’adjudant des Eaux et forêts Sigui Koné, un passionné de la nature qui nous sert de guide. L’entrée principale du côté de l’autoroute de nord reliant les communes d’Adjamé et de Yopougon, bien aménagé nous donne de pénétrer dans un «tunnel» érigé par des arbres dont l’entremêlement des feuilles forme une sorte d’arc de triomphe. Un nouveau monde s’offre alors aux visiteurs.
Erigé en 1926 comme réserve forestière puis comme forêt classée en 1929, c’est en 1953, sous l’ère coloniale, que le site obtient son statut de Parc national pour être considéré aujourd’hui comme «un trésor inestimable». «Outre Abidjan, il n’y a que Rio de Janeiro, au Brésil, qui dispose d’une forêt primaire en plein cœur de la ville», nous informe avec fierté Sigui Koné. L’image est en effet saisissante et contraste avec l’image bouillonnante de la ville. De la broussaille et des arbres à pertes de vue parsèment de part et d’autre la piste balisée pour les randonnées et un silence plat rythmé régulièrement par les cris d’insectes et oiseaux donne une atmosphère paisible de campagne.
Un cadre qui avait charmé l’épouse de l’ex président français Georges Pompidou en visite à Abidjan dans les années 60 et qui avait fait construire 15 km de route bitumée à l’intérieure du parc. Et depuis, bien de personnalités plus ou moins anonymes en ont fait un passage obligé lors de leurs visites.
Des cris d’oiseaux aux traces de petits rongeurs, rien n’échappe à l’œil avisé de notre guide, fort de 26 ans de pratiques dans les aires protégées ivoiriennes. «Il n’y a plus de grands animaux ici mais on dispose encore d’une colonie d’une vingtaine de chimpanzés, de nombreux petits singes, de petits ruminants dont des antilopes naines». Des animaux qui fuient le brouhaha de l’autoroute voisine et la présence humaine. «Il faut sortir des pistes et pénétrer, s’enfoncer dans la forêt pour espérer les surprendre. Il n’y a que les chimpanzés qu’on peut de temps à autre par chance apercevoir aux alentours de la piste» avance-t-il.
Mais, même si la réserve a perdu en partie sa faune en raison du braconnage – un phénomène de plus en plus rare selon M. Sigui –, il lui reste sa flore, son oxygène et sa nappe phréatique qui tiennent en haleine toute la ville. L’on estime entre 10.000 et 35.000 tonnes, selon certaines sources, le volume de dioxyde de carbone (CO2) absorbé quotidiennement par ce massif forestier qui rejette en contrepartie une quantité similaire d’oxygène. De quoi rendre l’atmosphère respirable dans une ville qui suffoquerait autrement de la fumée d’échappement des 20 à 30.000 véhicules d’occasion accueillis chaque année. «Il joue un rôle également important avec la zone industrielle de Yopougon (la plus grande du pays, ndlr) qui est toute proche», ajoute Sigui Koné.
Et l’autre aspect de ce «caractère inestimable», c’est que « le parc regorge d’une source souterraine qui se régénère naturellement et alimente Abidjan». 29 forages d’eau opérées par la Sodeci (Société de distribution d’eau de Côte d’Ivoire) sont installées tout autour. Elle y pompe les ressources de la «nappe aquifère» nécessaires pour abreuver 40% de la ville d’après les spécialistes.
3,5 km de randonnée pédestre plus tard, nous entrons au sein de l’Ecole forestière, l’un des tout premiers centres de formation écologique du continent ouvert en 1938. «Une cinquantaine de personnes y sont accueillis chaque année pour y recevoir une formation polyvalente en agroforesterie, élevage, reboisement etc.».
Quelques dizaines de mètres plus loin, nous arrivons à l’«arboretum», un espace de 12,4 ha qui concentre plus de 800 espèces de plantes originaires des régions tropicales d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine. «Un musée vivant d’espèces d’arbres dont certains sont en voie de disparition» indique Koné.
Et à la question de savoir où se trouve l’arbre du fameux «cure-dent Gouro», c’est tout sourire qu’il répond ne pas pouvoir reconnaître avec précision son emplacement. Réputé dans le pays comme un puissant aphrodisiaque, l’arbre du «cure-dent Gouro» était généreusement présenté aux visiteurs. Mais nuitamment, des individus venaient lui arracher des écorces et des branchages. «Il y avait une réelle menace sur la survie de l’arbre (…) d’ailleurs je ne suis pas certain que ce soit le vrai», avance notre guide pour refroidir toute curiosité.
«Mes parents étaient paysans et nous avions un campement en pleine forêt. De là est née ma passion pour la nature. Après deux ans dans l’armée, j’ai eu l’occasion de m’engager dans le corps des Eaux et forêts et depuis je vis ma passion» nous confie M. Sigui qui s’inquiéte devant la pression foncière qui s’exerce sur le périmètre du parc. «Tous les espaces grignotés sur le parc seront repris et il est prévu de le clôturer entièrement» pour mettre fin à toute tentative d’infiltration et de recolonisation de cette forêt, martèle-t-il.
Mais le principal rempart réside dans l’éducation des nouvelles générations. Des milliers d’élèves et d’étudiants visitent chaque année «le banco» et sont sensibilisés à la cause de la nature. Une cause devenue nationale, vu que l’eau se fait rare dans la ville d’Abidjan, du fait de l’explosion démographique.
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