BTP Côte d’Ivoire – Infrastructure “Isolé dans la forêt ivoirienne” COLAS réalise la route Nationale A1 vers Abidjan
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Loin de tout centre urbain, Colas a construit une route et en a rénové une autre. Le tout, en prévenant accident et ralentissement.
On l’appelle la route de l’Est. La nationale A1 relie Abidjan, la capitale économique de la Côte d’Ivoire, à la frontière avec le Ghana. Sur cet axe vital pour l’économie nationale circulent d’innombrables poids lourds qui acheminent les productions de bois, de cacao ou encore de noix de cajou vers le port d’Abidjan. Colas vient d’achever la rénovation de 133 km de cette route entre les villes d’Agnibilékrou et de Bondoukou, plus au nord. Après vingt-cinq ans d’utilisation, l’infrastructure était en piteux état : « Elle avait subi de fortes dégradations et avait même complètement disparu par endroits », explique le directeur du projet, Cyril Pinault. Faïençage, fissures et nids-de-poule rendaient la circulation si difficile qu’il fallait compter près de cinq heures pour effectuer le trajet, un temps réduit de moitié aujourd’hui.
Les travaux, qui ont eu lieu entre mi-2021 et fin 2022, ont commencé par la remise à niveau de la chaussée. « Puis, nous avons raboté l’enrobé existant que nous avons mélangé avec la structure de sous-couche pour obtenir un ensemble homogène, détaille Cyril Pinault. L’ajout de ciment s’en est suivi avant la pose d’un enduit bicouche et de deux épaisseurs d’enrobé de 5 cm chacune. » Les systèmes d’assainissement de surface – caniveaux, dalots et fossés – ont quant à eux fait l’objet d’une remise en état pour faciliter la circulation des eaux dans un pays où la saison des pluies dure quatre mois.
Eloigner les « coupeurs de route ». Simultanément, les équipes de Colas ont transformé 35 km de piste entre Agnibilékrou et la ville frontalière de Takikro en une route de 2 x 1 voie. L’infrastructure, qui a nécessité un million de mètres cubes de terrassements, a été dimensionnée pour tenir compte d’une partie de la surcharge chronique des poids lourds qui transportent parfois deux fois le maximum autorisé. « L’Etat ivoirien a installé des ponts-bascules à la frontière avec le Ghana pour faire durer la chaussée », relève Cyril Pinault. Le trajet qui prenait auparavant 3 h 30 en 4 x 4 en saison sèche demande aujourd’hui 40 minutes. Et ce n’est pas qu’une question de gain de temps : la nouvelle infrastructure éloigne aussi les « coupeurs de route », qui profitaient des ralentissements dus au mauvais état de la piste pour bloquer les véhicules et dépouiller leurs occupants.
Maîtrise d’ouvrage : ministère de l’Equipement et de l’Entretien routier ivoirien.
Maîtrise d’œuvre : Bureau national d’études techniques et de développement ivoirien. Entreprise de travaux : Colas.
Coût total des travaux : 180 M€.
Matériaux – Garantir les approvisionnements
Pour alimenter son chantier en matériaux, Colas a cherché à s’approvisionner au plus près. L’entreprise a donc ouvert une carrière à Assafo, à mi-chemin entre Agnibilékrou et Bondoukou. La région est riche en or, et une société minière canadienne a obtenu l’autorisation d’exploiter cette ressource. Mais avant cela, elle a accordé à Colas le droit d’extraire – sous surveillance – les couches supérieures du terrain pour alimenter son chantier
D’une capacité de production d’un million de tonnes, le site a finalement livré 700 000 tonnes de matériaux au projet. Toujours dans un souci d’autonomie, le groupe a installé sur place quatre centrales à béton produisant entre 40 et 80 m3 /h, deux centrales à enrobé (jusqu’à 220 t/h) et trois ateliers de préfabrication pour les petits ouvrages de béton, comme les dalots et les bordures. « Tout a été fait sur place », résume le directeur du projet, Cyril Pinault.
L’impact de la situation économique. L’opération n’a cependant pas échappé à la hausse du prix des matériaux. « Les capacités de stockage du site étant limitées, nous n’avons pas pu commander tout ce qui nous était nécessaire en une seule fois », regrette Cyril Pinault. Le prix du ciment était déjà élevé car la Côte d’Ivoire en fait une forte consommation, et la flambée des prix de l’énergie a encore renchéri la note. Cela a été également le cas pour le bitume, vendu par un monopole d’Etat.
Sécurité – Protéger salariés et usagers
Pendant les chantiers, il était impensable d’interrompre le trafic routier. Aussi ont-ils été menés sous circulation alternée. « Nous avons eu beaucoup de mal à faire respecter les alternats, se souvient Cyril Pinault, le directeur du projet. Entre les passages forcés, la vitesse excessive et un parc automobile souvent obsolète, avec des véhicules parfois incapables de freiner, nous devions tout anticiper pour protéger nos salariés. » Cinquante gendarmes sont venus réguler le trafic à chacun des dispositifs et pratiquer des contrôles radar. Ces mesures n’ont cependant pas pu empêcher l’accident mortel d’un sous-traitant ayant entrepris de doubler la file d’alternat. Certains conducteurs sont même allés jusqu’à agresser le personnel.
Sensibilisation des habitants. « Pour maintenir la sécurité, il a fallu former les sous-traitants, vérifier leurs équipements et leurs véhicules, leur demander de s’engager à respecter toutes les règles et de mettre aux normes tout leur matériel », souligne Cyril Pinault. Colas a mis en place des navettes pour accompagner les salariés sur le chantier depuis un point de rendez-vous afin de leur éviter de venir à pied ou à moto. Quant aux habitants des villages avoisinants, peu habitués à une route permettant une circulation rapide, ils ont été sensibilisés à ses dangers lors d’une dizaine de campagnes.
Un atelier de calligraphie a été monté pour fabriquer des panneaux de bois peint. Outre les indications habituelles de vitesse et de direction, ils comportaient également des slogans incitant à la prudence : « Mieux vaut arriver tard qu’en corbillard », clamaient certains. Histoire de refroidir les plus pressés.
Logistique – Relever le défi de l’autonomie
Mener à bien un projet de ce type passe par un bon approvisionnement électrique. « Le réseau ivoirien n’étant pas toujours opérationnel, il a fallu mettre en place des groupes électrogènes pour assurer l’autonomie du chantier », explique Cyril Pinault, le directeur du projet. Ceux-ci ont alimenté la base vie, la base travaux et les industries comme les centrales à béton et les centrales à enrobé. Crucial également, l’état du matériel. Pas question de tout stopper pour aller chercher une pièce à Abidjan, à 300 ou 400 km, ou y transporter un engin en panne. Des ateliers mécaniques ont donc été installés avec un stock de pièces conséquent pour faire face à tous les besoins.
Ambulance. Par ailleurs, Colas a mis en place un laboratoire avec une équipe dédiée sur chaque site de travaux, carrière comprise, ceci afin de réaliser tous les contrôles de manière automatique. « Le dispositif était renforcé par des équipes qualité qui venaient s’assurer que tout était fait comme prévu, précise Cyril Pinault.
Nous avons appliqué des règles de qualité et de sécurité qui vont bien au-delà des standards locaux. » Les chantiers routiers disposaient également d’une équipe composée d’un médecin et d’une infirmière, ainsi que d’une ambulance pour gérer les accidents éventuels et les maladies – notamment le paludisme – et organiser des rapatriements d’urgence en cas de besoin. Enfin, le quotidien est lui aussi soumis à l’impératif de l’autonomie et c’est toute une logistique qu’il a fallu mettre en place avec approvisionnement en nourriture, cuisine, nettoyage et blanchisserie.
Le lot 1 Agnibilkérou- Bondoukou a mobilisé 650 personnes au plus fort du chantier. Au total, 1 300 ouvriers ont travaillé sur l’ensemble du projet. Les travaux se sont achevés fin 2022, mais Colas était également mandaté pour la construction de quatre ponts disséminés dans le pays. La construction des deux derniers s’achèvera cette année.