BTP CÔTE D’IVOIRE Boom immobilier à Abidjan : Pourquoi Marcory zone 4 fait peur
SOURCE| INFODROME | Irène BATH | 02.04.2018
Vendredi 16 mars 2018. 11 heures. Nous sommes à Marcory zone 4. Le soleil est déjà au zénith. La chaleur se fait également sentir. Le Boulevard du 7 décembre (du grand carrefour de Koumassi à la sortie vers le collège notre Dame d’Afrique), connaît son ambiance habituelle avec ses longues de files de véhicules qui avancent lentement. Au niveau du carrefour des rails, la circulation est pratiquement bloquée, par la seule volonté d’un chauffeur. Malgré les klaxons des autres véhicules, le chauffeur de la voiture de marque Toyota Rav 4, à l’origine de l’embouteillage, ne se soucie point des injures lancées çà et là. Ce monsieur, d’une quarantaine d’années environ, regarde à gauche et à droite, comme s’il cherchait son chemin. Une dizaine de minutes plus tard ne tenant plus sous les bruits des klaxons, il gare son véhicule, libérant ainsi le passage aux autres usagers de la route. Approché dans l’optique de lui apporter notre assistance, c’est avec étonnement que nous apprendrons qu’il s’agit bien d’un ancien habitant de Marcory zone 4. « Je suis né à Marcory zone 4. J’y ai passé toute mon enfance. C’est au plus fort de la crise de 2010 que mes parents et moi avions quitté le quartier. Là, j’avoue qu’après près de huit ans passés hors de Marcory zone 4, je ne reconnais plus mon lieu d’enfance. Tous ces immeubles- j’en ai dénombré pratiquement 14 érigés le long du Boulevard du 7 décembre-, il y a de quoi marquer un arrêt pour regarder avant de chercher à nouveau son chemin », confesse Guy B., qui se présente à nous comme un agent de l’État dans un ministère.
42 immeubles. Après avoir pris congé de lui, nous nous livrons aussi au même exercice, celui de compter les immeubles achevés et ceux en construction le long du Boulevard du 7 décembre. Ainsi, du grand carrefour de Koumassi jusqu’à un 1er feu tricolore situé sur ce boulevard, nous dénombrons 8 immeubles, dont 6 achevés à usage d’habitations, de bureaux et de magasins, et 2 immeubles en chantier. Après les rails, 3 constructions se dressent devant nous : un triplex, un immeuble jumelé et un immeuble triangulaire, tous achevés, et des appartements occupés. Juste après les rails, nous abordons un 2ème feu tricolore, et là nous sommes face à trois immeubles : un immeuble achevé, un autre en construction et un autre en réhabilitation. Soit, au total, 14 nouvelles constructions en hauteur, en lieu et place des villas basses qui existaient sur ces terrains. Très fascinée par ce spectacle, nous ne nous limitons pas au seul Boulevard du 7 décembre. Notre curiosité nous emmène vers différentes rues dudit quartier afin de nous faire une idée plus claire du nouveau visage de Marcory zone 4. A la rue Louis-Lumière, nous dénombrons 5 nouvelles constructions, soit un immeuble achevé et habité ; un pratiquement achevé et 3 en chantier. A la rue parallèle à la rue Louis-Lumière, à savoir la rue du Docteur Calmette, sont également érigées 5 constructions en hauteur : deux immeubles achevés et occupés ; deux immeubles en chantier et un en réhabilitation, non loin d’une agence bancaire. La Rue parallèle à celle du Dr Calmette, c’est-à-dire la rue Paul Langevin, accueille 7 nouveaux immeubles. 4 sont achevés et habités, tandis que 3 sont encore en chantier. Au niveau du Boulevard de Marseille, à partir du collège notre Dame d’Afrique en allant dans le sens de la Pergola, ce sont trois nouvelles constructions que l’on enregistre sur ledit Boulevard. Un immeuble totalement achevé, un autre en réhabilitation et un dernier en plein chantier, juste à quelques encablures de la Pergola. Notre randonnée va prendre fin à la rue Pierre et Marie Curie, communément appelée rue Mercedes. A ce niveau, aucune nouvelle construction en hauteur dénombrée. N’empêche, pour le seul périmètre de Marcory zone 4, du moins ce que nous avons pu voir, c’est au total 42 nouvelles constructions en hauteurs qui sont érigées dans ladite zone. Il s’agit principalement d’immeubles R+5, R+6, voir R+9. Les coûts du loyer pour un appartement se situent dans la fourchette de 800 000 Fcfa à près de 2 millions de Fcfa.
Zone marécageuse. Une situation d’autant plus préoccupante qu’à l’origine, Marcory zone 4, qui est le prolongement de Marcory Remblais, était une zone marécageuse. « Le sable de la lagune qui se trouve juste derrière l’Institut national de la jeunesse et des sports (Injs) a été dragué pour remblayer Marcory, jusqu’à Koumassi Remblais. C’est du bon travail qui a été fait. Parce que la seule façon de remblayer une zone marécageuse, c’est de mettre le sable, un très grand compacteur. A Marcory zone 4, le sol est resté très imbibé. Mais avec le temps, il s’est compacté », renseigne Koutouan G., un ancien de Marcory zone 4 qui y réside depuis plusieurs années. Ce dernier explique que le premier président de la Côte d’Ivoire, Félix Houphouet-Boigny, avait fait de Marcory zone 4, une zone résidentielle devant abriter uniquement des villas basses. « Il a fait des villas uniquement duplex dans deux quartiers d’Abidjan : à la Riviera Golf et aux Deux-Plateaux », informe le vieil homme, qui confie, avec un brin de désespoir dans la voix, que depuis 2004, Marcory zone 4 a été colonisée par plusieurs opérateurs économiques qui ont racheté pratiquement toutes les maisons. Plutôt que de se contenter de ces constructions basses, ces nouveaux propriétaires, mentionne notre interlocuteur, ont demandé à ce qu’on modifie le plan d’urbanisme de la zone pour avoir l’autorisation de faire des immeubles. Vrai ou faux ? Dans tous les cas, les faits sont là et têtus, Marcory zone 4 a totalement changé de visage. Des immeubles poussent à tous les coins de rue.
Chasse aux sorcières. Approché, relativement à une série de préoccupations, notamment celle de savoir si Marcory zone 4 été déclassée pour recevoir aujourd’hui des constructions en hauteur, le ministère de la Construction, du Logement, de l’Assainissement et de l’Urbanisme, qui a promis de nous revenir, n’a pas réagi jusqu’à ce nous mettions sous presse. Répondant à l’un de nos mails, le chef de service communication, promotion et coopération internationale dudit ministère, Mme Diarra-Sanogo Salimata, nous a ramenée à une campagne de lutte contre les constructions anarchiques dans la presse audiovisuelle. En clair, le ministère de la Construction a engagé une chasse aux sorcières, relativement aux constructions anarchiques.
Un entrepreneur en bâtiment intervenant dans la construction d’un immeuble à Marcory zone 4, sous le couvert de l’anonymat, révèle cependant que Marcory zone 4 n’a pas fait l’objet d’un déclassement dans le schéma d’urbanisation du Grand Abidjan. Il explique que ce qui peut arriver, c’est que le ministère de la Construction accorde des dérogations à des personnes pour ériger des immeubles. « Je ne peux pas affirmer que Marcory zone 4 a été déclassée. Par contre, ce que je peux mentionner, c’est qu’il peut y avoir un plan d’urbanisme arrêté pour un certain site. Mais, généralement, compte tenu de certaines circonstances, il peut y avoir des dérogations qui sont accordées par le ministère en charge de la Construction, de sorte qu’un bâtiment hors du commun soit érigé », soutient ce sachant.
Mutisme inquiétant. Du côté des promoteurs immobiliers qui sont en pleine activité de construction à Marcory zone 4, c’est le mutisme total. Sur quelques chantiers où nous nous sommes arrêtés, les ouvriers ont refusé de communiquer le numéros de leurs patrons. « Le patron a voyagé », nous a-t-on balancé par endroits. Pourtant, le témoignage de ces personnes s’avère important pour édifier plus d’un, non seulement sur les matériaux de construction utilisés, mais, mieux, sur les études de sols qui auraient été réalisées avant d’ériger les immeubles.
Cocody Danga, le nouvel eldorado
Après Marcory zone 4, aujourd’hui les appétits de promoteurs immobiliers sont portés sur Cocody Danga. Un tour dans la zone permet de voir des immeubles érigés dans des bas-fonds remblayés pour recevoir ces constructions en hauteur. D’importantes sommes d’argent sont proposées à des propriétaires terriens moyennant leur site. Ceux qui y opposent des refus polis sont souvent l’objet de harcèlements. «Tout simplement, parce que j’ai refusé de vendre ma maison, je n’ai plus d’intimité chez moi. Les locataires des immeubles ont le regard constamment plongé dans ma maison. Quand je vais à la piscine, c’est tout comme si j’étais sur l’une des nombreuses plages de la ville d’Abidjan», se plaint dame K.K.A, qui insiste que la maison dans laquelle elle réside est un bien familial, et qu’il n’est aucunement question de la vendre, quelles que soient les sommes d’argent que l’on pourrait lui proposer.
Bon à savoir
En matière de construction, les experts en Btp s’accordent à dire qu’une étude géotechnique ne donne pas la garantie d’avoir un bon bâtiment. Ils sont formels que si les matériaux ne sont pas de bonne qualité, c’est comme si on n’avait rien fait. De l’avis de ces derniers, tous les matériaux sont régis par des normes. Et les qualités recherchées doivent être fonction de l’ouvrage qu’on veut construire. Il y a des matériaux qu’on utilise en fondation, par exemple pour des sols à Abidjan où il y a la présence de la mer, donc l’environnement est très agressif. L’environnement, en ce qui concerne la ville d’Abidjan, attaque le béton et le fer, donc il y a des dispositions qu’il faut prendre, surtout en fondation. Il faut aussi prendre des dispositions pour que la mise en œuvre de ces matériaux respecte les règles de l’art. C’est la combinaison de tous ces facteurs qui permet d’avoir un bâtiment résistant et durable.
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